Christine Lagarde a-t-elle vaincu l’inflation ? Cela pourrait faire référence à l’indice des prix à la consommation, qui est tombé à 4,3% en septembre sur un an dans la zone euro, selon les chiffres d’Eurostat publiés vendredi 29 septembre. Ce chiffre est remarquable car il est bien meilleur qu’en août (5,2%), et loin du pic de 10,6% atteint en octobre 2022, au cœur de la crise énergétique. Mieux encore, c’est le plus bas depuis octobre 2021.
Il suffit d’y voir le signe de l’impact positif du resserrement monétaire mis en œuvre par la Banque centrale européenne depuis juillet 2022. Pour tenter d’atteindre son objectif de ramener l’inflation à 2%, l’institution monétaire, pour la dixième fois consécutive, , a relevé les taux d’intérêt directeurs de 0,25 point de pourcentage, les ramenant dans une fourchette allant de 4% à 4,75%. Il s’agit de leur plus haut niveau depuis la création de la monnaie unique en 1999.
Impact sur la croissance
« D’ici la fin de l’année » L’inflation devrait continuer de baisser » jusqu’à » Environnement 3,5% » Grâce au ralentissement continu des prix de l’alimentation, de l’industrie et des services, estime Jack Allen Reynolds, expert chez Capital Economics.
« On commence à voir les effets de la hausse des taux d’intérêt de la BCE et du ralentissement de l’activité économique », confirme Alexandre Paradis, responsable de l’analyse de marché chez IG France, dans un entretien à La Tribune.
Car au-delà de l’impact sur l’accélération des prix, le resserrement monétaire de la BCE a aussi des implications sur la croissance de la zone euro (les 20 pays ayant adopté la monnaie unique) qui, depuis plusieurs mois, craignait une récession. Le 11 septembre, la Commission européenne a abaissé de 0,3 point ses prévisions de croissance économique pour 2023 et 2024, à respectivement 0,8% et 1,3%.
En outre, une nouvelle hausse des taux d’intérêt pour freiner l’inflation pourrait avoir des conséquences très négatives sur l’activité économique dans la zone euro. En effet, les taux d’intérêt directeurs affectent directement le coût de la dette des ménages, des entreprises et des pays européens. Selon les chiffres publiés par la Banque de France, la production hypothécaire en France a chuté de 40 % sur un an en juillet.
On espère la fin de la hausse des taux d’intérêt
Qu’est-ce qui convainc la BCE d’arrêter sa politique ? » Cela nous confirme que la Banque centrale européenne a fini de relever les taux d’intérêt. », veut croire Jack Allen Reynolds. Un avis partagé par François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, qui a annoncé vendredi sur LinkedIn que :
« Ces données renforcent notre confiance dans le retour de l’inflation dans la zone euro et en France vers son objectif de 2% d’ici 2025, confirmant que le niveau actuel de nos taux d’intérêt directeurs est approprié. »
À tel point que certains spéculent déjà sur une baisse des taux d’intérêt. Pour Fabio Balboni, économiste chez HSBC, la première baisse des taux pourrait avoir lieu même aux Etats-Unis. « Au troisième trimestre 2024 » Et pour le reste du monde en 2025, a-t-il récemment déclaré à l’AFP, rappelant que « Dans ce contexte de faible croissance, il sera très difficile de réduire les taux d’intérêt alors que l’inflation augmente. » Portion » très haut « .
De son côté, Jennifer McKeon, économiste chez Capital Economics, y voit le plus tôt possible « À l’approche de 2024, le cycle d’assouplissement monétaire va commencer. » Et des projets « 21 des 30 grandes banques centrales réduiront leurs taux d’intérêt l’année prochaine. ».
Les banquiers centraux avertis
La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a confirmé lundi qu’elle était consciente que les taux d’intérêt élevés provoquent leur part de « souffrance » Pour emprunter aux ménages Il a dit vouloir raccourcir au maximum ces effets. Mais elle a réaffirmé que les taux d’intérêt resteraient élevés aussi longtemps que nécessaire. Ainsi, la majorité des économistes et analystes ne voient pas de baisse des taux d’intérêt européens sauf entre le deuxième et le troisième trimestre 2024.
À lire aussi : Hausse des taux d’intérêt : la BCE refuse de baisser la garde, l’inflation reste trop élevée
Mais d’autres n’excluent pas de nouvelles augmentations. Le 18 septembre, Petr Casimir, gouverneur de la Banque de Slovaquie, évoquait déjà cette possibilité.
« Seules les prévisions de mars peuvent confirmer que nous nous dirigeons sans équivoque et progressivement vers notre objectif d’inflation », a-t-il déclaré dans un article, avant d’ajouter : « C’est pourquoi je ne peux pas actuellement exclure la possibilité d’une nouvelle hausse des taux ». »
De même, le 25 septembre, Isabel Schnabel, membre du Conseil des gouverneurs, affirmait que « Le problème de l’inflation n’est pas encore résolu ».
Impact principal : hausse des prix du pétrole et des salaires
Les avis divergent donc sur l’avenir de la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne, parce que la bataille des prix est encore tirée par les cheveux et parce que l’ambiguïté persiste. Et pour cause : le fort ralentissement s’explique en partie par un effet fondamental. En d’autres termes, une inflation plus faible ne signifie pas que les prix baissent, mais plutôt qu’ils augmentent moins rapidement. Cependant, après que les prix ont culminé à l’été et à l’automne 2022 (par rapport à 2021), la progression semble moins forte qu’en 2023. Il est donc difficile de crier victoire pour le moment. D’autant que ce niveau est encore loin de l’objectif de 2% fixé par la Banque centrale européenne.
En outre, » Deux questions font craindre une inflation durablement élevée : les prix du pétrole et les salaires. », prévient Alexandre Hazes, directeur du département financier de l’administration Richelieu, dans un entretien au journal La Tribune. Après être tombé à 72 dollars (68 euros) fin juin, le prix du baril de Brent est remonté à 95 dollars fin septembre, en hausse de 32% en trois mois, et menace aujourd’hui de se maintenir à des niveaux élevés, comme le soulignent de nombreux les produits sont fabriqués par des pays souhaitant maintenir… Sa production est faible.
« Cette hausse des prix de l’énergie pourrait entraîner une baisse des marges bénéficiaires des entreprises au moment où les salaires commencent à augmenter dangereusement aux Etats-Unis et en Europe, ce qui pourrait avoir un effet stupéfiant », s’inquiète le banquier de Richelieu.
Dans un tel scénario pessimiste, une stagflation (c’est-à-dire une inflation couplée à une stagnation) pourrait s’installer et maintiendrait les taux d’intérêt centraux à un niveau élevé en permanence puisque « Ce sera le seul moyen de relancer l’économie (en la faisant baisser une fois l’inflation maîtrisée, ndlr). », conclut Alexander Hazes. Espérons donc que les producteurs de pétrole accepteront de rouvrir les vannes.