(L’article a été mis à jour le 15/09/2023 à 23h35)
Silence radio au chef de l’Etat. Alors que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a remis mercredi 13 septembre à l’exécutif un rapport sur les coûts réels de la production d’électricité nucléaire d’EDF, aucune conclusion n’a été annoncée. Interrogé, le gendarme de l’énergie pointe du doigt le gouvernement… qui ne répond tout simplement pas aux sollicitations.
Cependant, à l’origine, la Commission pour l’égalité raciale devait présenter une synthèse de ce rapport lors de sa réunion de rentrée. Mais cela s’est produit jeudi, et il y a eu un silence complet sur le sujet. » Nous avons confié ce travail au gouvernement. Je ne peux pas aller plus loin aujourd’hui », a lancé son président, Emmanuel Wargon. Et ce, alors que la France négocie actuellement, à Bruxelles et à Strasbourg, le futur modèle actuel de régulation nucléaire, qui devra être arrêté dans ses grandes lignes d’ici la fin de l’année.
Le prix de vente avoisine les 100 euros le mégawattheure
Car pour l’État français, comme pour EDF et les consommateurs d’ailleurs, les risques sont énormes. Il s’agit en effet de trouver un successeur à l’ARENH (Accès Réglementé à l’Electricité Nucléaire Historique), un mécanisme qui oblige EDF depuis 2011 à vendre une partie de sa production à 42 € le mégawattheure (MWh). Permettre aux Français de bénéficier de la « rente » de l’énergie nucléaire. Ce n’est pourtant plus un secret : ces dernières années, les coûts de production du complexe nucléaire ont considérablement augmenté, atteignant un niveau bien supérieur à 42 euros le mégawattheure. Mais à quel niveau exactement ?
« En plein débat sur l’avenir de l’ARENH, le gouvernement ne souhaite peut-être pas que les estimations des coûts de production de la CRE soient divulguées et que ces nouveaux chiffres suscitent la polémique », estime une source proche du dossier.
Selon nos informations, EDF, qui n’entend pas vendre des MWh à prix coûtant pour dégager des marges d’investissement dans l’expansion et le renouvellement de son parc, mise en tout cas sur un prix de vente inférieur à 100 euros le MWh, mais proche à ce montant. Cependant, sans parvenir aux conclusions de la Commission de l’énergie, il est difficile de connaître la part des coûts de production dans ce prix total proposé par l’énergéticien.
D’autant qu’il existe différentes manières de le calculer. Dans ce cas, le document fourni par la Commission pour l’égalité raciale Il s’agit d’une mise à jour d’un rapport top secret publié en septembre 2020, qui évaluait le coût de production. Au prix de 48,36 euros le mégawattheure, Soit cinq euros de moins que le montant donné par EDF à l’époque puis déclaré Contexte.
Or, il s’agissait du coût dit « comptable », c’est-à-dire un coût qui ne prenait pas en compte les dépenses d’investissement qui seraient réalisées sur la durée de vie des réacteurs. De son côté, la Cour des comptes estimait en 2013 qu’en intégrant ces investissements nécessaires dans le coût moyen de production des 19 centrales nucléaires françaises (le coût économique actuel), celui-ci s’élevait à 59,80 euros le mégawattheure. Il s’agit d’un chiffre supérieur de 20,6 % par rapport au montant calculé en 2010 (49,5 euros par MWh). En septembre 2021, dans un nouveau rapport, l’autorité financière a prouvé cette fois que le coût du mégawattheure par rapport à la production de 2019 était passé à 64,8 euros le mégawattheure.
» En termes de coûts de production économiques, ils devraient se situer autour de 60 à 70 EUR par MWh, et autour de 90 EUR par MWh pour le prix de vente. », glisse un ancien cadre d’EDF qui a requis l’anonymat.
Des investissements pharaoniques
Ainsi, si le coût de l’électricité du parc EDF a sensiblement augmenté, c’est notamment parce qu’il faut désormais intégrer les coûts du Grand Carénage, ce vaste programme d’extension au maximum des installations existantes, estimé à 100 milliards d’euros (75 milliards pour les investissements et 25 milliards pour les opérations).
« Lors de la création de l’ARENH, il y a plus de dix ans, le chiffre de 42 € par MWh faisait référence au coût comptable que l’énergie nucléaire avait fait supporter à EDF, en l’absence du Grand Carénage. Il n’y a pas eu de nouveaux investissements en dehors de l’EPR de Flamanville, et donc non Un motif de consolidation des marges et une forte hausse des prix de l’électricité nucléaire. « Mais tout cela a changé », estime l’économiste Jacques Persebeau, membre de la célèbre Commission Champseur en 2009, à l’origine de la création d’un accès réglementé à l’énergie nucléaire. l’énergie nucléaire, raconte La Tribune.
Or, dans le rapport du Bureau d’Audit publié en septembre 2021 sur les coûts du système énergétique, la justice financière estime que « Le coût de la prolongation de la vie (Centrales électriques, ndlr) On peut l’estimer à pas moins de 35 euros (en 2015) par mégawattheure. « . Soit, avec l’inflation, environ 40 euros aujourd’hui. J’ajoute ça » Les investissements passés qui n’ont pas encore été entièrement consommés doivent être additionnés et récompensés pour obtenir le coût futur total de la production actuelle d’énergie nucléaire. ».
Par ailleurs, se pose la question de savoir si une partie des dépenses futures de renouvellement du parc sera incluse ou non dans le prix de revient des centrales historiques, alors que les 6 premières centrales EPR2 voulues par Emmanuel Macron devraient être construites. ça coute Entre 52 et 56 milliards d’eurosC’est ce que révèle un rapport publié par le gouvernement l’année dernière.. C’est cependant l’option privilégiée par EDF, qui repose sur le chiffre d’affaires Flux de trésorerie Il a été lancé avec ses installations existantes afin de préparer l’avenir. D’autant que l’électricité produite par les futurs réacteurs coûtera cher, avec des estimations oscillant entre 80 et 100 euros le mégawattheure.
Impact des réductions de production
Enfin, le faible niveau de production nucléaire observé ces dernières années augmente mécaniquement le prix de revient de cette source d’énergie. Et pour cause : alors que les centrales électriques françaises produisaient en 2015 420 térawattheures, elles n’étaient que de 279 térawattheures l’année dernière, et au maximum 330 térawattheures cette année, selon les prévisions de l’énergéticien. En cause, notamment : un défaut de corrosion sous contrainte a été identifié fin 2021 dans plusieurs réacteurs, l’obligeant à prendre le contrôle de l’ensemble des installations, ainsi qu’un arrêt prolongé des unités associé aux contrôles du Grand Carénage.
« Le coût de production des installations est la somme des dépenses divisée par la quantité de kilowattheures produits. Il est logique que si cette quantité diminue, le coût augmente. Par conséquent, l’intérêt de l’électricien est de faire fonctionner ses centrales électriques à pleine capacité, de répartir les frais fixes sur un grand nombre de kilowattheures.” , explique l’un des spécialistes.
L’énergie trop chère ?
Tout cela remet-il en cause l’intérêt économique de l’énergie nucléaire en France ? Pour comparer leur coût avec celui des énergies renouvelables, mieux vaut en tout cas prendre en compte l’ensemble du système. Car si les mégawattheures d’énergie éolienne et solaire peuvent à première vue paraître moins chers au point de vente, les coûts faramineux liés à la gestion de leur intermittence et à leur acheminement, notamment, peuvent rapidement faire pencher la balance. Au Directeur du Réseau de Transport d’Electricité de RTE,Des frais supplémentaires seront également Plus important dans les scénarios avec une part très élevée d’énergies renouvelables ».
« Le coût complet du mix électrique ne résulte pas de la simple addition des coûts de production de chaque filière existante, mais doit intégrer les coûts du système électrique dans son ensemble, et notamment les coûts liés aux dimensions du réseau électrique voire celles liées à la nécessité d’un équilibre permanent entre l’offre et la demande (coût de stockage, demande de flexibilité, etc.) », note l’Audit Bureau dans son rapport 2021.
Or, il semble désormais que l’augmentation du coût de l’énergie nucléaire soit indéniable. Dans ces cas, » Meilleure identification des dépenses associées (dans) L’expansion permettra de prendre en compte l’importance de cette expansion par rapport au développement de nouveaux moyens de production », ajoute le Bureau d’Audit dans le rapport susvisé. Il reste donc à voir ce que dit la Commission pour l’égalité raciale.