Lecoq, fille de Madame Angot – Paris (Opéra-Comique)
Au risque de me répéter, est-il nécessaire de recourir à la transmission pour aider le public d’aujourd’hui à mieux comprendre les œuvres d’hier ? Avec l’aide de la musique et de la mise en scène Richard Brunel Il parvient à stimuler une intrigue dépourvue de ressorts. Mais un décalage immédiat apparaît entre la représentation de l’événement aux heures les plus chaudes de mai 1968, et le texte écrit, si solidement ancré dans l’évidence qu’il multiplie les références à cette période et invoque plusieurs personnages historiques – Beato, Lange… que à la fin du XVIIIe siècle comme au XXe siècle, la révolution couvait, et la présence d’un poète royal dans l’atelier de carrosserie ne la rendait pas moins choquante. Sous les pavés, la plage ; Aux portes des usines, des banderoles noires portaient des slogans. Le plateau tournant facilite le passage des aciéries au salon de Miss Lange, devenu salle de cinéma. Le duo de retrouvailles, « The Lucky Days of Our Childhood », mène à une parodie de Jeunes femmes de Rochefort Ce qui constitue le numéro le plus abouti de la soirée. Malheureusement, les tribunes de la salle sombre se sont révélées peu propices à la valse censée cacher les astuces des conspirateurs. Il ne faudra pas confondre les vessies avec les lanternes, les baisers et les pas de danse, de Gaulle et Barras. Certains huées punissent les préjugés lors des salutations.
© Jean-Louis Fernandez
À l’époque de Leacock, « les chanteurs assuraient le succès des productions alors que les chanteurs décevaient régulièrement », explique Aleksandar Dratwicki dans le programme – très complet, comme toujours dans un opéra-comique. Les temps ont changé. Hélène Guillemette et autres Les gens de Véronique Ils doivent s’incliner devant leurs partenaires masculins. Le premier dresse le portrait d’une Clairette en manque d’éclat, de clarté et de fraîcheur, à l’image des jeunes filles de l’opérette. Deuxièmement, Miss Lange est obligée de faire des efforts inconfortables lors de la présentation, comme si le rôle ne lui était pas tombé dans la voix. Devoir lire les sous-titres pour ne pas rater un mot des paroles est dommage lorsqu’il s’agit d’un interprète hors pair de la tragédie lyrique et de la mélodie. Ours Julien Il aurait l’air aussi beau qu’Ange Pitou si une diffusion aussi lointaine ne diluait pas le génie du séducteur et ne le rendait pas en même temps difficile à comprendre. Au final, ce sont les seconds rôles qui ressortent : Ludmilla Bouakkaz Dans un Amarante culotté même si là encore il faut s’en tenir aux traductions pour apprécier « La Légende de Mère Angot » ; Mathieu Lecroart dont le baryton sauvage évite le piège de la caricature, généreux dans les situations les plus embarrassantes, agaçant dès qu’il retrouve un semblant d’autorité, et amusant dans le troisième acte du duo très acclamé « Deux Forts » ; Et en tête du troupeau Pierre DerheitPomponnet est toujours clair, avec une grande aisance vocale et théâtrale, même dans la romance du deuxième acte, coupée en cours de construction car jugée trop difficile, utilisant le mixage des sons pour donner de l’émotion au personnage niais.
Les artistes du Concert Spirituel mettent à profit leur connaissance du répertoire français du XVIIIe siècle pour honorer chacune des interventions chorales. Avec le concours de l’Orchestre de Chambre de Paris. Hervé Niquet Il déclare sa foi dans la musique de Lecocq. La légèreté de sa mise en scène, son imagination sans impertinence n’enlèvent rien au respect accordé à la partition pour parvenir à l’équilibre finalement exigé entre trop et pas assez.